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Louis XVI et la doctrine de Mesmer

Mesmer reçoit rapidement les faveurs du pouvoir. On lui promet 20.000 livres de rentes viagères et un traitement annuel de 10.000 francs pour établir une clinique, à la condition de dévoiler son secret à trois personnes désignées par le gouvernement. Il rétorqua qu’il préférait des terres et un château ou qu’il préférer quitter la France pour dévoiler son secret à une nation plus digne de sa « découverte ». Mais l’homme commençait à inquiéter et certains de ses disciples parvenaient aux mêmes « exploits.


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Lorsque Mesmer quitte la France, une commission est ordonnée par le roi Louis XVI le 12 mars 1784 autour de neuf commissaires de la Faculté de Médecine et l’Académie des Sciences (Borie, Sallin, d’Arcet, Guillotin, Franklin, Le Roy, Bailly, Lavoisier et de Bory qui, mort pendant l’enquête, a été remplacé par le médecin Majault) pour enquêter sur le travail de Mesmer. L’objectif est d’examiner sa doctrine, les faits, les expériences et de fournir un rapport concluant.

Deux instances : d’un côté non pas Mesmer mais son disciple « imparfait » Deslon qui n’avait acquis que le baba de la doctrine, de l’autre les commissaires du roi : Franklin, Lavoisier, Darcet, Bailly et Jussieu, personnages des plus illustres du monde scientifique de l’époque. Chose surprenante, ce n’est pas un mais deux rapports qui ont été produits pour le roi. Si les expérimentations du disciple n’étaient pas concluantes et avaient incité les quatre premiers scientifiques à produire un rapport peu favorable pour le magnétisme, Jussieu avait remarqué quelques faits particuliers qui méritaient une attention toute particulière.

Le rapport Bailly connu un grand retentissement et fût publié à plus de 80.000 exemplaires et distribué dans toute l’Europe. Il plaide pour l’inexistence du fluide magnétique de Mesmer et attribue son rôle à l’imagination des patients. Les expériences qui ont été préparées pour parvenir à cette conclusion consistaient à faire croire aux patients qu’on les magnétisait alors qu’il n’en était rien. Certaines personnes sentaient des sensations alors qu’il n’y avait rien et au contraire ne sentaient rien alors qu’ils étaient magnétisés. L’imagination leur paraît donc au cœur du système Mesmérien. Cette conclusion était déjà défendue en 1780 par le médecin Jacques de Horne : « Tout l’art de Mesmer ne consiste peut-être qu’à profiter habilement des moyens que lui présentent une imagination exaltée, affaiblie ou trompée ». L’imagination ne peut donc provoquer que des symptômes illusoires, et qui peuvent être « extraordinaires » comme des convulsions ou une aptitude à parler des langues étrangères. Pourtant des effets illusoires car non le reflet de l’état réel du corps. Le magnétisme ne va pouvoir agir que sur une maladie qui n’est pas « réelle ».

C’est pourtant ce sur quoi les magnétiseurs exercent leur activité de déterminer un lien entre leur art et l’imagination en jouant sur le corps humain et des objets inanimés. « l’imagination d’un homme est un aimant qui attirent à plus d’un miles de distances ». Les premiers théoriciens du magnétisme n’assimilent pas l’imagination à la superstition.


Les défenseurs du mesmérisme se sont offusqués contre ces conclusion et ont argué, derrière Delson de « qu’est-ce que l’imagination ? ». Car pour les défenseurs de Mesmer, l’imagination n’est autre qu’un fluide imperceptible, le fluide universel de leur maître. Du côté scientifique, on oppose approche physique et non physique en ce questionnant sur l’implication de causes non physiques entrainent des effets physiques et Bailly de conclure son rapport : « Ce sont des faits pour une science encore neuve, celle de l’influence du moral sur le physique ». Ce lien de l’esprit et du corps, du physique et non physique n’est pas nouveau en médecine. Certes l’imagination va pouvoir agir sur certaines facettes de l’être humain comme des convulsions mais en aucun cas des guérisons, ce qui implique que les patients concernés par les traitements des magnétiseurs ne souffrent pas de maladies « réelles ». Tout juste l’imagination pourra soulager le mal, mais uniquement de manière temporaire. L’imagination développée par Mesmer ne propose donc que des effets illusoires sur des choses sans mal car le véritable pouvoir de guérison de l’imagination est inexistant.


La commission d’enquête menée ordonnée par Louis XVI ouvre un trou béant chez les scientifiques car ce n’est pas un mais deux rapports qui ressortent. Le premier, défendu par Franklin, Lavoisier, Darcet, Bailly ont été très déçu par les expériences de Delson, apprenti de Mesmer en connaît peu sur le sujet, et qui proposent un rapport peu favorable au magnétisme. Le second, défendu par le cinquième homme, Jussieu, est au contraire favorable à cette art. Le débat très vif qui opposa les partisans et les détracteurs du magnétisme mesmérien encourage les partisans de Mesmer à revenir à Paris.


Le banquier Kornmann, soutenu par Bergasse, Despréménil, le marquis de Puységur, le prince de Soubise et bien d’autres, se charge d’écrire au médecin allemand : « Revenez à Paris, au milieu de véritables amis, ne vous occupez plus des menées de vos antagonistes, le temps et les circonstances feront justice de toutes les misérables tracasseries que vous suscite l'esprit de mensonge dont on s'est armé pour vous combattre. Revenez, je vous offre, au nom d'une société d'élite, des promesses de laquelle je me porte garant : cent élèves au moins, à raison de cent louis chacun, m'obligeant personnellement à vous compléter la somme de deux cent quarante mille francs, si le montant de la souscription que préparent, en faveur de la propagation de votre doctrine, les amis du progrès et de l'humanité, ne s'élevait pas à ce chiffre. Vous nous ferez votre cours de Magnétisme comme vous l'entendrez, nous avons foi en votre loyauté et en vos lumières ».

Mesmer revient à Paris et organise son cours de magnétisme qui ne reçoit pas 100 mais plus de 140 souscripteurs plus des médecins de province, initiant un zèle autour de la discipline.

Le rapport conclue que les soi-disant guérisons miraculeuses ne sont le fruit que de l’imagination, d’autosuggestion pour reprendre une terminologie plus contemporaine. Les conclusions, tenues secrètes dans un second rapport ne furent publiées qu’en 1826 dans le Conservateur par François de Neufchâteau, recommandent de ne pas autoriser ces pratiques, en particulier pour des raisons de mœurs compte tenu du pouvoir érotique exercée par le magnétiseur sur ses patients.

Si Nicolas Bergasse parvient à faire suspendre l’interdiction d’exercer, cela n’en reste pas moins la fin de Mesmer en France. Car ce jugement se rajoute à d’autres déconvenues dont la venue en France de la jeune pianiste viennoise que Mesmer avait soignée mais dont la rechute avait causé son départ d’Allemagne. Venant écouter ses concerts dans la capitale française, les détracteurs de Mesmer en profitent pour remettre au gout du jour cette débâcle de jeunesse.

Ces deux approches « officielles » distinctes ouvrirent la voie à une longue querelle entre les partisans et les opposants au magnétisme

Jean Sylvain Bailly, Rapport des commissaires chargés par le roi de l'examen du magnétisme animal, Moutard, Paris, 1784.

Jean-Sylvain Bailly, Rapport secret présenté au ministre et signé par la commission précédente, Paris, 1784.

Rapport des commissaires de la Société Royale de Médecine appelés par le roi pour faire l'examen du magnétisme animal, Paris, 1784.

Antoine-Laurent de Jussieu, Rapport de l'un des commissaires chargés par le roi de l'examen du magnétisme animal, Paris, 1784.

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